Le poisson pilote, rôle à part : « Il faut aussi se dire ‘qui va payer ma maison' »
Qui sont-ils ? « Tu peux choisir d’être un sprinteur de 2e ou 3e choix ou un lead out dans les plus grandes courses du monde »
Le costume de poisson pilote n’est pas un costume uni taille. Il y a parmi ceux-là ceux qui n’ont pas réussi à être des tops sprinteurs et qui se reconvertissent dans cette fonction, tandis que d’autres embrassent ce rôle par choix. « Il y a des coureurs qui se lancent directement dans une carrière de poisson pilote. Simplement car ils ont parfois eu l’opportunité de bien placer leur sprinteur et avec qui cela a bien matché », nous explique Jonas Van Genechten. Jasper De Buyst, équipier d’Arnaud De Lie, livre un constat plus tranché encore : « Tu peux choisir d’être un sprinteur de 2e ou 3e choix ou un lead out dans les plus grandes courses du monde, chacun fait son choix, moi j’ai fait le mien (NdlR : lui a choisi la seconde option). »
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La fonction du poisson pilote : « Il y a toujours un capitaine qui prend les décisions »
En fonction des époques, le rôle mute. « À un moment, c’était plutôt le train qui était important, maintenant c’est plus le poisson pilote », dit l’ancien d’IAM. Qui constate des dissemblances entre le lead out et le train : « quand on est seul poisson pilote, c’est plus simple, mais on doit faire beaucoup d’espaces. Pour le train, Il y a toujours un capitaine qui prend les décisions, mais qui n’est pas forcément le poisson pilote. Comme Marcel Sieberg (ancien coéquipier de Mark Cavendish), qui était en troisième ou quatrième position dans le train, et qui prenait les décisions. »
La relation sprinteur-poisson pilote : « J’ai toujours voulu avoir un mini-lien affectif avec mon leader »
Même s’il n’y a qu’un seul coureur qui lève les bras à la fin, le sprint est un travail d’équipe. Qui se fait à deux entre le sprinteur et le poisson pilote ou à plusieurs avec le train, donc. D’où l’importance d’entretenir une relation saine avec son leader. « Je pense qu’il faut avoir une bonne entente avec son lead out. Ce n’est pas nécessaire d’être les meilleurs amis du monde, mais c’est important de bien s’entendre et d’avoir de la confiance », analyse Jasper De Buyst. Des propos corroborés par l’un des anciens coéquipiers d’André Greipel, Jonas Van Genechten : « J’ai toujours voulu avoir un mini-lien affectif avec mon leader ou au moins respecter la personne en tant que tel. »

Les difficultés du rôle : « Il faut aussi se dire ‘qui va payer ma maison »
Et si pour certains poissons pilotes, la loyauté avec le sprinteur est une valeur cardinale, pour d’autres les ambitions personnelles prennent parfois le dessus sur le collectif. Notamment pour les coureurs aux contrats courts, et dont la survie dans le peloton se joue lors de chaque course. « C’est parfois difficile de fédérer, car sur les contrats d’un an dès le mois d’avril on parle avec d’autres équipes. On peut vouloir faire des cadeaux, mais il faut aussi se dire « ‘qui va payer ma maison' », explique JVG. À qui l’on a parfois reproché de ne pas assez tenter sa chance. Un paradoxe presque pour un homme payé à faire gagner son leader. « Le plus dur, c’est d’être reconnu comme un très bon poisson pilote et ne plus avoir à se dire que l’on doit faire de très bons résultats personnels. Car le manager peut te dire en fin de contrat : ‘tu n’as pas eu de résultat’. Et tu te dis ‘oui mais j’étais un lanceur' ».
« Il ne faut pas être trop gourmand »
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Tel un funambule, le lead out, s’il veut durer dans le temps, doit donc trouver le bon équilibre entre prise d’initiative individuelle et mise au service du collectif. « Il ne faut pas être trop gourmand, ceux qui le sont ne font pas une carrière aussi longue que les autres. Il faut savoir faire des compromis, mais aussi prendre sa chance, sinon on se fait un peu rouler dessus », termine le coureur belge retraité. Pour qui la loyauté envers son leader a payé un jour. « André Greipel me l’a rendu sur le GP de Fourmies où j’ai gagné. »
Auteur : Laurent Lemoine
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