Tour d’Italie | Un Giro à saveur mexicaine

Le Canadien Derek Gee a été l’un des principaux bénéficiaires de la dernière semaine de course, passant de la 12^e à la 5^e place au classement général. Après un grand départ cahoteux en Albanie, le coéquipier de Houle chez Israel-Premier Tech a retrouvé ses jambes et su éviter les nombreux écueils qui ont coûté cher à quelques-uns de ses concurrents. Ce fut particulièrement le cas lors de la 14^e étape tumultueuse sous la pluie samedi, où une chute collective a coupé le peloton des favoris dans le final en Slovénie. Juan Ayuso, Antonio Tiberi, Primož Roglič et Egan Bernal ont tous perdu du temps, à l’instar du grimpeur Giulio Ciccone, alors septième. Plus sérieusement touché, l’Italien de Lidl-Trek a été contraint à l’abandon. Dimanche, Gee, fringant dans le Monte Grappa, a profité d’une défaillance de Roglič dans l’ultime ascension pour s’installer au cinquième échelon du général. Huitième, septième et douzième des trois dernières étapes, il pointe dorénavant à 2 min 54 s du jeune Mexicain maillot rose Isaac Del Toro.

Confiance

« C’est énorme, surtout mentalement, d’avoir la confiance que les jambes sont là », a déclaré le cycliste d’Ottawa lors du jour de repos de lundi, dans un enregistrement transmis par son équipe. « C’est difficile de commencer une course et de se retrouver en retard dès le début. C’est donc agréable de voir que les jambes sont revenues, et c’est un bien meilleur état d’esprit pour aborder la troisième semaine. » Gee préfère cependant attendre les longues montées et les arrivées au sommet à venir avant de se projeter jusqu’à l’arrivée à Rome, dimanche. « Des gars devant moi pourraient craquer, ceux derrière moi pourraient accélérer, c’est bien trop tôt pour dire non seulement où je finirai, mais aussi ce qui me satisferait [comme classement final]. » L’athlète de 27 ans prévoit d’obtenir une première « grande réponse » sur la véritable condition et l’état du cœur des grands favoris à l’issue de la 16^e étape de ce mardi, ponctuée de quatre cols répertoriés et une arrivée au sommet du Passo di San Valentino (18,1 km à 6,2 %).

« El Torito » ou Ayuso ?

En rose depuis sa deuxième place à la neuvième étape à Sienne derrière Wout van Aert, Isaac Del Toro est si impressionnant que les comparaisons avec son coéquipier Tadej Pogačar fleurissent. « El Torito », 21 ans, est le premier Mexicain à porter le maillot de leader dans un grand tour. Meneur avec une priorité de 1 min 20 s sur le revenant britannique Simon Yates (Visma-Lease a Bike), il bouscule la hiérarchie dans la formation UAE Team Emirates, dont le chef de file annoncé, l’Espagnol Juan Ayuso, lui aussi très jeune à 22 ans, occupe la troisième position (+1 min 26 s). La gestion de ce « problème de riches » retiendra une bonne partie de l’attention dans les jours à venir. À son deuxième grand tour, Del Toro a-t-il l’étoffe pour continuer à tenir la dragée haute aux meilleurs grimpeurs du peloton comme il l’a fait avec une déconcertante facilité jusqu’ici ? Ayuso acceptera-t-il un rôle secondaire ? Sera-t-il envoyé en éclaireur pour tester la réaction des autres formations ? Pour l’heure, UAE a beau jeu d’adopter une tactique défensive, surtout avec des équipiers de luxe comme Rafal Majka, Brandon McNulty et Adam Yates pour couvrir les coups et prêter main-forte aux deux meneurs. Décrit comme très respectueux par les journalistes sur place, Del Toro ne cache néanmoins pas ses ambitions personnelles. « Je dois réaliser que je peux gagner le Giro, a-t-il expliqué à l’issue de la 15^e étape dimanche. Je ne veux pas être arrogant, vraiment pas, mais si je suis dans cette position, je souhaite évidemment gagner comme tous les autres. Mais je dois le faire de la meilleure manière possible. Je veux saisir ma chance, un pas à la fois, et ne pas commettre d’erreurs, parce que de petites erreurs peuvent t’éloigner de ton but. »

Jours sombres pour Roglič

Diminué par une série de chutes, Primož Roglič est l’ombre de lui-même. Le Slovène de Red Bull a été distancé sans cérémonie dans la montée de Dori dimanche. L’ensemble du peloton de tête a ensuite accéléré la cadence pour maximiser les gains sur le favori quasi unanime avant le départ de ce Giro. Le vainqueur de 2023 s’est simplement dit « content d’avoir terminé » après avoir cédé 1 min 30 s à ses principaux rivaux. Porteur du maillot rose sur deux étapes, il a dégringolé jusqu’au 10^e rang du général, à près de 4 minutes de Del Toro. « Quand il s’est fait lâcher, tout le monde a été surpris, mais tu ne peux jamais compter un gars comme lui battu », a prévenu Derek Gee au micro de FloBikes dimanche. Selon le directeur sportif Christian Pömer, il n’est pas impossible que Roglič jette l’éponge avant la fin. « Il n’y a plus lieu de cacher qu’il ne se sent pas bien, qu’il a mal, a-t-il confié à l’AFP. On a essayé de le dissimuler, mais aujourd’hui la vérité a éclaté. »

Houle anticipe

Hugo Houle visait à se glisser dans « une ou deux échappées » en début de deuxième semaine. Il y est parvenu dimanche en rejoignant son coéquipier Marco Frigo au sein d’un groupe de 35. Le natif de Sainte-Perpétue souhaitait « anticiper un peu » le Monte Grappa, col de 25 km dans lequel il a dû serrer les dents. Tandis que Frigo a basculé en tête avant de filer seul dans la descente, Houle s’est accroché à ce qui restait de l’échappée, rattrapée un peu plus bas. Derrière, Gee et Del Toro avaient réagi à une attaque de Bernal et des Ineos. « À ce jour, ça va bien », s’est réjoui Houle, qui a finalement franchi 71 km devant le peloton. « Derek avait de bonnes jambes pour suivre et il a bien monté au général. Souhaitons poursuivre dans cette lignée. Ce seront des étapes très, très difficiles, en espérant que la forme continue d’être là et que Derek puisse continuer à grimper au classement. Ça risque d’être une chaude bataille, mais tout est possible avec les difficultés à venir cette semaine. »